01. To Team Or Not To Team 2

Le team building fonctionne-t-il vraiment ?

 

« Il nous prend vraiment pour des cons » me dit monsieur M., en désignant de la tête le directeur. « Il pense qu’en nous faisant mijoter des carottes ensemble, nous allons collaborer avec la protégée incompétente de monsieur R. Il ferait mieux de nous payer nos heures sup. ! »

C’est ainsi que le team-building s’est invité dans ma vie, il y a 20 ans. Côté salarié, par un stage de cuisine. Une expérience pénible, que nous aurions tous échangée avec joie contre le match de Champions League qui se déroulait en même temps.

J’ai longtemps réfléchi par la suite à l’utilité de cet événement, je n’en ai pourtant jamais trouvé une, si ce n’est que le terme « team-building » est entré dans mon vocabulaire.  

 

Des joueurs en quête de victoire

Nous le savons fort bien, pour qu’une équipe soit efficace, les personnes la composant doivent être à même de travailler ensemble de façon harmonieuse. Cet équilibre n’existe pas au moment de la formation d’une équipe, il s’installe progressivement, par un processus d’apprentissage des rôles et des responsabilités, de création de liens collaboratifs.

S’il vous est déjà arrivé de jouer au foot un dimanche avec des inconnus, le déroulement vous est familier. Au début, vous vous retrouvez entouré par des voyous portant les maillots de Real, Milan et PSG, et vous vous regardez, sans savoir par où commencer.

Vous formez de façon plus ou moins arbitraire un groupe, quelqu’un donne le coup d’envoi, et… c’est le chaos. Vous n’êtes pas encore une équipe, mais 11 joueurs qui ont envie de gagner le match (ce qui est déjà un excellent point de départ !).

Au fil du match, vous identifiez les forces de chacun, son placement idéal sur le terrain, vous apprenez à vous trouver rapidement, à faire des passes, à attaquer, à défendre. Vous marquez des buts. Progressivement, vous commencez à fonctionner comme une équipe et non plus comme un ensemble d’individus.

Quand, 90 minutes plus tard, vous atteignez le point d’efficacité maximale, il est temps d’aller boire des bières, car la troisième mi-temps est tout aussi importante.

02. Sunday Football

Même si vous n’avez jamais joué au foot, vous avez sûrement déjà vécu une expérience similaire, en pratiquant un sport d’équipe, ou en travaillant sur un projet en équipe.

 

Des étapes à franchir

La recherche a prouvé que tous les collectifs traversent le même parcours, inévitable et indispensable pour que les partenaires grandissent ensemble, relèvent des défis, trouvent des solutions et produisent des résultats.

Ce processus d’identification de rôles pour travailler efficacement ensemble est connu sous le nom de team-building (construction d’équipe).

Bruce Tuckman, un socio-psychologue américain, a proposé en 1965 un modèle de développement des équipes en quatre étapes : forming, storming, norming & performing (création, assaut, normalisation et productivité).

03. Steeple

Forming | La création : les premières impressions

La première phase, celle de création, est une période calme, d’observation et de familiarisation. À ce stade, certains membres de l’équipe sont anxieux, d’autres enthousiastes, mais ils font tous des efforts pour faire connaissance avec leurs nouveaux collègues.

La plupart des interactions sont sociales, caractérisées par prudence et politesse, car les personnes impliquées préfèrent éviter les conflits et faire une bonne impression.

  

Storming | L’assaut : des tensions apparaissent

L’étape d’assaut est la plus difficile à franchir. C’est une période marquée par des conflits et une compétition interne intense. Au fur et à mesure que des personnalités individuelles émergent, l’énergie de chacun est investie dans des activités improductives, et les performances de l’équipe diminuent.

Les membres peuvent être en désaccord sur les objectifs de l’équipe, et des sous-groupes peuvent se former à l’intérieur. De nombreuses équipes échouent à ce stade.

 

Norming | La normalisation : les tensions deviennent complémentarités

Si la phase d’assaut est dépassée, les grands conflits sont résolus et un sentiment de cohésion émerge. C’est le stade de la normalisation, durant lequel un consensus se développe autour des rôles de chaque membre. Les différences interpersonnelles sont maintenant vues comme des complémentarités.

Les performances de l’équipe augmentent au fur et à mesure que les membres apprennent à coopérer et à privilégier les objectifs de l’équipe.

 

Performing | La productivité : travailler ensemble

Au stade de la productivité, l’équipe est mature, organisée et fonctionne efficacement. Ses membres se concentrent sur la résolution des problèmes et l’atteinte des objectifs communs. La structure interne est claire et stable, et même si des conflits peuvent encore apparaître, ils sont traités de manière constructive.

Le travail mène, sans frictions, à des résultats.

Procrastination vs. productivity contest. Improve your productivity and hold back procrastination.

La vie en théorie

La théorie est claire et plausible. Une, deux, trois, quatre étapes, puis on travaille ensemble.

En suivant Desproges, « un jour j’irai vivre en théorie, parce qu’en théorie tout se passe bien ».

La réalité est souvent différente. Malgré les prévisions de Bruce Tuckman, très peu d’équipes atteignent le stade de productivité, et les ateliers de team-building n’apportent pas la convoité adhésion.

Ce que monsieur Tuckman n’a pas intégré dans son modèle est une prémisse indispensable à la création d’une équipe, et à sa progression d’une phase à l’autre. C’est l’ingrédient de base, le cinquième élément, celui qui existe par défaut dans une équipe de foot, mais rarement dans une entreprise commerciale : la volonté de gagner le match.

 

La vérité brutale est que la majorité des employés se moquent de savoir si leur entreprise gagne la compétition économique ou non.

Leur principale motivation n’est pas d’accroître des parts de marché, ni le chiffre d’affaire, mais le salaire qu’ils reçoivent à la fin du mois. Même si durant l’entretien d’embauche ils ont parlé en termes élogieux des valeurs de l’entreprise et de leur rêve de travailler dans une « équipe dynamique » (quelle aberration !), arrêtez de les payer, et ils arrêteront de travailler.

05. Money

Une autre vérité brutale est que cela fait longtemps que les discours de motivation ne sont plus pris au sérieux. Les employés y voient des tentatives risibles de les faire travailler plus pour gagner moins, et notent les phrases les plus ridicules, pour se divertir durant la pause déjeuner.

  

Un défi pour tous

Alors, à l’heure où le bien-être personnel prime sur celui collectif, et l’argent devient le premier levier de motivation, comment organiser encore un stage de team-building efficace ?

L’unique solution est d’identifier un défi que les coéquipiers aient envie de soulever ensemble, un dessein auquel ils croient de façon sincère.

Pour un instant, oubliez la théorie, arrêtez vos stratégies, et écoutez-les. Encouragez-les à parler de leurs passions, de leurs rêves.

Par la suite, offrez-leur la possibilité de construire ensemble quelque chose d’extraordinaire, qu’il est impossible de réaliser de façon individuelle, mais qui peut être accompli en collaborant avec les autres.

Sans la volonté authentique d’arriver à un résultat mesurable et la conscience que le groupe est plus fort que l’individu, il n’y aura jamais de cohésion, ni de coopération.

Uniquement après avoir assuré cette prémisse, les quatre étapes de Bruce Tuckman peuvent entamer leur cours naturel, s’enchaîner vers le stade de la productivité.

Dans le cadre d’un atelier, la progression peut être très rapide, et, en fonction du projet choisi, un résultat concret peut être obtenu au bout de seulement quelques heures.

De plus, si le projet est réussi, la fierté d’avoir participé à l’obtention d’une victoire collective se transférera dans le travail quotidien, et l’équipe formée durant le stage continuera à appliquer les bonnes habitudes dans les projets de l’entreprise.

06. Team

Prêt ?

Vous êtes entouré(e) par de belles personnes, compétentes, désireuses de construire quelque chose. Etes-vous d’humeur à collaborer avec eux ?

N’oubliez pas : le travail d’équipe commence par la volonté de gagner un match ensemble, et les plus beaux discours ne sauront l’inoculer si cette volonté n’est pas sincère.

Si vous souhaitez examiner le sujet plus en profondeur, ou bénéficier d’un atelier de team-building personnalisé, je suis prêt à vous accompagner.

 

© Alessandro Principe, 2020